La Chine rétablit le système de licences d'exportation d'acier après 16 ans, contraignant l'industrie à privilégier la valeur plutôt que le volume.

1. La directive fondamentale : un retour au commerce dirigé

Le 9 décembre 2025, les autorités chinoises ont publié l'annonce n° 2025-79 , rendant obligatoire l'obtention de licences d'exportation pour une large gamme de produits sidérurgiques. À compter du 1er janvier 2026 , les opérateurs de commerce extérieur devront obtenir une licence pour les expéditions des marchandises listées en soumettant un contrat d'exportation et un certificat d'inspection de la qualité du produit délivré par le fabricant. Le pouvoir de délivrer les licences est délégué aux services du commerce provinciaux et municipaux spécifiques. Cela marque un retour crucial aux contrôles à l'exportation, mettant fin à une période de 16 ans de libéralisation relative et annonçant une nouvelle ère de stratégie d'exportation guidée par l'État. .

2. Portée globale : Cibler l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement

Cette politique a une portée étendue, couvrant plus de 300 codes du Système harmonisé afin de réglementer les exportations tout au long de la chaîne de production. Les produits réglementés ciblent stratégiquement les matières premières à forte intensité énergétique et les produits à faible valeur ajoutée :

• Matières premières et primaires : Toutes les catégories de fonte brute, de spiegeleisen et de fer préréduit .

• Déchets ferreux : Pratiquement tous les types de déchets et de rebuts d'acier et de fer , destinés à la gestion des flux de matières premières critiques.

• Produits semi-finis : Lingots et plaques d'acier clés (billettes) .

• Principaux produits finis : Certaines catégories de bobines laminées à chaud et à froid et de bandes larges , qui ont fréquemment fait l’objet de mesures antidumping internationales. .

3. Les facteurs déterminants : volume, valeur et volatilité

Cette politique est une réponse directe aux fortes distorsions du marché. En 2025, le volume des exportations d'acier de la Chine a fortement augmenté, les exportations annuelles devant atteindre un niveau record de 115 millions de tonnes. Cependant, cette croissance masquait une faiblesse majeure : la baisse de la valeur. Au premier semestre 2025, le prix à l’exportation par tonne a chuté de 10,3 % par rapport à l’année précédente. Un exemple frappant en est l'exportation de billettes d'acier, dont le volume a triplé tandis que leur prix a chuté de15.3% Ce modèle de « substitution du prix par le volume » a exacerbé la consommation d'énergie intérieure et les émissions de carbone, tout en accroissant la vulnérabilité aux mesures correctives commerciales internationales. Rien qu'en 2024, l'industrie sidérurgique chinoise a été confrontée à plus de 50 cas de dumping. .

4. Impact immédiat : remodeler l’économie des exportations et la concurrence

L'obligation de licence introduit un nouveau niveau de coût de conformité et de contrôle administratif pour les exportateurs. Il vise à rendre moins intéressantes, voire moins réalisables, les exportations de produits de base à faible marge, tels que les brames et les bobines laminées à chaud standard. Les analystes du secteur prévoient une forte baisse des exportations à faible valeur ajoutée une fois la réglementation entrée en vigueur. Par conséquent, la compétitivité du marché dépendra de plus en plus de la maîtrise technologique. Les entreprises sont désormais incitées à contourner la concurrence des produits bas de gamme en innovant et en exportant des produits de qualité supérieure tels que l'acier à roulements haute performance, l'acier pour engrenages et les alliages avancés. .

5. Évolution stratégique : de fournisseur mondial à leader en valeur

Le changement stratégique à long terme est clair : passer d’un statut de principal sidérurgiste mondial à celui de leader dans le domaine des matériaux spécialisés de haute performance. Cette politique encourage la diversification des marchés d’exportation, en s’éloignant des régions à fortes barrières commerciales (comme l’Asie du Sud-Est) et en se tournant vers les marchés émergents d’Afrique et d’Amérique latine. De plus, cela accélère la montée en gamme des exportations. Des entreprises de premier plan font déjà figure de pionnières dans l'exportation d'« acier vert », certifié par des déclarations environnementales de produit (DEP) attestant d'une empreinte carbone nettement inférieure – un atout majeur sur un marché mondial soucieux de son impact environnemental. .

Conclusion : Les nouveaux calculs du commerce mondial de l'acier

Le rétablissement par la Chine des licences d'exportation d'acier ne constitue pas une simple barrière commerciale, mais un levier stratégique de sa politique industrielle. Il modifie fondamentalement la donne pour les négociants et concurrents mondiaux du secteur sidérurgique en limitant délibérément la circulation des produits bas de gamme et en incitant à une modernisation structurelle de l'industrie chinoise. Pour les acheteurs internationaux, cela se traduit par une réduction progressive de la disponibilité d'acier chinois bon marché et de base, et par une opportunité croissante de s'approvisionner en aciers plus performants, spécialisés et respectueux de l'environnement. Cette politique confirme la volonté de la Chine de dominer non seulement le volume, mais aussi la valeur et les segments d'avenir du marché mondial de l'acier, faisant de la conformité réglementaire un avantage concurrentiel pour ses fabricants les plus avancés. La course à la qualité et à la durabilité est désormais une priorité absolue.